Lentement mais sûrement, la construction en bois gagne du terrain dans notre pays. Quelle est la clé pour réussir vos applications ? Dans quels domaines le secteur peut-il encore progresser ? Les experts expriment leur avis à l’occasion de cette table ronde. Pour vous, nous avons résumé les réflexions intéressantes dans cet article.
La construction en bois par rapport aux méthodes traditionnelles. En quoi le processus de construction diffère-t-il ?
Tous les participants : « Le raccourcissement des délais de construction se poursuit. Dans un tel contexte d’accélération, la construction à ossature bois et la construction en CLT (bois lamellé-croisé) sont deux solutions très pertinentes. Les structures modulaires sont produites en usine, pour être ensuite transportées sur le chantier et installées. Cette approche permet de gagner un temps considérable et de simplifier les processus logistiques sur le chantier. De plus, la qualité est excellente grâce à une préparation minutieuse de l’ensemble. »
Dries : « La construction à ossature bois et la construction en CLT permettent une mise en service plus rapide. Il s’agit d’un avantage indéniable pour les hôpitaux, les résidences-services, etc. »
Piet : « Pour être exhaustif, la construction en madriers et le système poteaux-poutres sont d’autres techniques novatrices dans le secteur de la construction en bois. Mais si nous devions aborder chaque technique dans le détail, nous dépasserions la fenêtre de temps que nous avons réservée aujourd’hui. »
Les avantages de ces méthodes sont-ils connus depuis longtemps dans le secteur de la construction ou ces connaissances sont-elles relativement récentes ?
Dries : « Les atouts ne sont pas nouveaux. Ce sont plutôt les applications basées sur ces atouts qui sont de plus en plus avancées, comme la conception 2D et 3D assistée par ordinateur. Elles garantissent un niveau de finition très élevé. Toutes les techniques peuvent être préfabriquées avant d’être transportées sur le site. »
Le bois est-il un matériau de construction compétitif en termes de prix ? La situation a-t-elle évolué ces dernières années ?
Damien : « C’est une bonne chose que la concurrence s’intensifie. Cela contribuera à rendre les prix plus accessibles pour les candidats à la nouvelle construction et à la rénovation. »
Dries : « Tandis que le secteur de la construction traditionnelle vient justement de connaître des hausses de prix sans précédent depuis la crise énergétique. La construction en bois bénéficie donc d’un avantage concurrentiel. »
En quoi la construction en bois peut-elle être une solution à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur ?
Damien : « Cela fait un moment déjà que le secteur de la construction est confronté à une pénurie de main-d’œuvre. À tel point que l’on cherche à attirer des travailleurs étrangers venus du Portugal, de Biélorussie, etc. La construction à ossature bois et la construction en CLT contribuent également à résoudre cette problématique. L’ensemble du processus de production se déroule en usine dans les conditions les plus favorables, généralement à l’aide de machines avancées à commande numérique. À l’inverse de la construction traditionnelle, où les ouvriers travaillent régulièrement dans le froid et sous la pluie. Avec l’ossature bois et le CLT, même en cas de fortes gelées, le travail se poursuit, tout simplement. »
Quels autres atouts la construction en bois peut-elle apporter ?
Chris : « En Flandre, le déploiement du « bouwshift » a commencé. » (NDT : il s’agit d’un plan qui vise à changer l’approche en matière de construction et à préserver les espaces non bâtis en Flandre, région déjà densément bétonnée.) « Dans le secteur de la construction, ce changement s’accompagne à la fois de défis et d’opportunités. La division des maisons unifamiliales et la construction en hauteur, entre autres, sont des tendances évidentes. Dans ce contexte, la construction modulaire à ossature bois et le CLT offrent les meilleurs résultats. Ce sont en effet des méthodes de construction qui font appel à des matériaux légers, mais solides. En outre, elles sont souvent privilégiées en raison du caractère renouvelable de leurs ressources. »
Pourquoi les constructions en bois sont-elles proportionnellement moins nombreuses en Belgique que dans d’autres pays ?
Dries : « Les habitudes ont la vie dure et, c’est bien connu, le Belge a une brique dans le ventre. Par ailleurs, souvent, les gens pensent à tort que construction en bois et sécurité incendie ne font pas bon ménage. En tant qu’architectes et ingénieurs, nous accordons une grande attention à la stabilité, à la résistance au feu et à la classe au feu de l’essence de bois. La résistance au feu, à savoir la mesure dans laquelle la structure du bâtiment résiste en cas d’incendie, est équivalente à celle d’une construction traditionnelle, à condition de ne pas négliger certains paramètres. Par exemple, le surdimensionnement, afin de tenir compte de la combustion pendant un certain laps de temps. En cas de coup du sort, c’est la couche externe qui se carbonise, ce qui a pour effet de retarder l’embrasement du reste de la structure. Ainsi, la structure porteuse des constructions en bois est préservée dans la plupart des cas. »
Damien : « Heureusement, on sent que le vent tourne peu à peu. De plus en plus de maîtres d’ouvrage sont ouverts à la construction en bois. La réduction de la différence de prix y est pour quelque chose. En outre, nous constatons un changement de mentalité chez les capitaines des pompiers. »
Dries : « Aujourd’hui, chez BeHeCon, je travaille à plein temps sur la conception et le calcul de projets de construction en bois, alors qu’il y a quelques années, ce type de projet ne se présentait que sporadiquement.
Nous constatons une augmentation tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Que ce soit dans le cadre d’un concours d’architecture ou d’un appel d’offres pour le secteur public, nous faisons le maximum pour mettre en avant la construction en bois. Grâce à une ingénierie de pointe, nous proposons un prix compétitif par rapport aux méthodes de construction traditionnelles. »
Comment la construction en bois est-elle perçue dans notre pays aujourd’hui ? Est-elle considérée comme une solution durable ? Pour quelles raisons ?
Chris : « Le bois est un matériau naturel aux propriétés isolantes. Même si l’opinion publique semble parfois suggérer le contraire, il s’agit d’un choix durable à plus d’un titre. Pendant leur croissance, les arbres absorbent le CO2 de l’air, formant ainsi un maillon essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Selon la Commission européenne, 40 % des émissions totales de CO2 en Europe proviennent de la construction. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a donc lancé le mouvement « nouveau Bauhaus européen », qui vise à encourager l’innovation dans la construction et à réduire les émissions de CO2, notamment grâce à l’utilisation du bois et d’autres matériaux biosourcés. »
Piet : « Évidemment, cela ne peut fonctionner qu’à condition que le bois provienne de forêts gérées de manière durable. Les labels FSC et PEFC sont les plus connus à cet égard. Les pays scandinaves, par exemple, jouissent d’une excellente réputation en matière d’exploitation et de reboisement réfléchis. Il existe de nombreux exemples de projets où la biodiversité reste parfaitement intacte. Soyons tout à fait clairs, la construction en bois ne repose pas sur des pratiques de déforestation irresponsables. »
Comment inverser les perceptions actuelles ? Comment rendre la construction en bois plus populaire ?
Chris : « La tendance est à l’habitat en pleine conscience, ce qui amène les clients à opter pour des matériaux de construction sains. Le bois s’inscrit parfaitement dans cette mouvance. Des architectes néerlandais, comme Pablo van der Lugt ou Daan Bruggink, parlent régulièrement des avantages pour la santé d’une culture de la construction biophilique et biosourcée. Leurs affirmations s’appuient sur des connaissances scientifiques. Le concept de construction ad hoc renforce le lien entre l’humain et la nature. Dans ce cadre, l’utilisation du bois et d’autres matériaux biosourcés jouent un rôle essentiel.
Les résultats sont étonnants et vont des effets psychologiques positifs sur les élèves aux processus de guérison accélérés chez les patients. C’est une évidence : les environnements de vie, de soins, d’apprentissage et de travail intégrant des éléments naturels augmentent le bien-être. »
Où et comment pensez-vous pouvoir enregistrer des progrès rapides ?
Chris : « À mon sens, l’enseignement a un rôle à jouer à cet égard. Dans quelle mesure les techniques du bois sont-elles abordées dans la formation des futurs architectes et ingénieurs civils ? La couverture du sujet me semble insuffisante. Même si l’on constate des améliorations ces dernières années. À Geel, la haute école Thomas More organise un bachelier en construction en bois et l’université de Hasselt accorde une attention particulière à ce sujet dans le cursus de ses ingénieurs industriels en construction. Mais nous pouvons faire mieux. Investir dans le talent est un levier pour l’avenir. »
Piet : « Je suis tout à fait d’accord ! La collaboration est le mot clé. Tant avec le milieu de l’enseignement et des formations qu’avec les parties prenantes. Réfléchissons aux objectifs que nous voulons atteindre et à ce dont nous avons besoin pour y parvenir. »
Que pouvons-nous apprendre de nos pays voisins, qui utilisent davantage cette méthode de construction ?
Damien : « Dans de nombreux pays européens, les techniques de construction en bois sont très répandues. C’est le cas en Allemagne, en Autriche, en Écosse, etc. Et c’est plutôt logique, puisque ces territoires sont couverts de forêts. Les Pays-Bas vont jusqu’à construire des casernes en bois pour les pompiers. Une preuve de plus que les constructions en bois répondent parfaitement aux exigences en matière de sécurité incendie. »
Piet : « Même le village olympique, qui accueillera les JO l’été prochain, fait la part belle à la construction en bois. »
Quelles mesures les pouvoirs publics peuvent-ils prendre pour favoriser cette évolution ? La régulation des prix est-elle une possibilité ?
Tous les participants : « Les prix réglementés ne sont pas une option à privilégier dans un premier temps, car ils sont de nature à perturber le marché. Mais les pouvoirs publics peuvent clairement montrer l’exemple, en faisant construire ou rénover leurs propres bâtiments avec des matériaux biosourcés. Nous pouvons aussi nous inspirer du gouvernement allemand, qui octroie des primes pour les projets de construction en bois. Ces avancées resteront-elles de belles utopies dans notre pays ? »